Transfert forcé d’aînés : la Coalition ontarienne de la santé ne fera pas appel
Posted: March 14, 2025
(le 13 mars 2025) Par: Jean-François Morissette, Radio-Canada
Les organisations de défense des droits des patients ontariens ne feront pas appel de la décision d’un tribunal ontarien de rejeter leur contestation de la loi provinciale sur les soins de longue durée, qui permet aux hôpitaux de transférer des patients vers des établissements qu’ils n’ont pas choisis ou de leur imposer des frais de 400 $ par jour s’ils refusent de quitter l’hôpital.
La cause avait été portée devant la Cour supérieure de justice en septembre par la Coalition ontarienne de la santé et l’Advocacy Centre for the Elderly [Centre de défense des personnes âgées, traduction libre]. Les deux organisations soutenaient que cette loi violait la Charte canadienne des droits et libertés et demandaient qu’elle soit annulée. Le gouvernement provincial, de son côté, affirmait que cette législation est nécessaire pour libérer des lits d’hôpitaux essentiels aux patients ayant besoin de soins aigus.
En janvier dernier, le tribunal a donné raison au gouvernement et a rejeté la contestation judiciaire.
Dans une entrevue accordée mercredi à CBC News, Natalie Mehra, directrice de la Coalition ontarienne de la santé, a déclaré que l’organisation ne dispose pas des ressources financières pour aller en appel.
L’organisme assume la majeure partie des frais juridiques, qui s’élèvent à près de 200 000 $, selon Mme Mehra. Elle a précisé qu’ils poursuivent leurs collectes de fonds pour couvrir ces frais.
« Un appel est toujours difficile à gagner », a-t-elle ajouté, qualifiant la décision judiciaire de très décevante et vraiment déchirante.
« Nous savons que les patients souffrent réellement en raison de cette coercition. Trouver un établissement de soins de longue durée convenable offrant des soins adéquats et situés près de leurs proches est un véritable défi », a-t-elle déclaré.
Une décision “controversée”
Dans sa décision publiée en janvier, le juge Robert Centa a conclu que la Loi 7 ne contrevient pas à la Charte.
Le juge a écrit que la loi « n’entrave pas le droit des patients en attente de soins alternatifs de choisir où ils vivent » et que « les frais de 400 $ par jour imposés aux patients qui restent à l’hôpital ne constituent pas une mesure coercitive ».
Selon lui, la loi poursuit un « objectif suffisamment important », à savoir réduire le nombre de patients en attente de soins alternatifs dans les hôpitaux pour libérer des ressources destinées aux personnes nécessitant des soins de niveau hospitalier.
Mme Mehra a exprimé sa stupéfaction face à cette analyse, notamment l’idée que des frais de 400 $ par jour ne soient pas coercitifs.
« Ce sont des patients âgés, vivant souvent avec des revenus fixes. Quatre cents dollars par jour, soit 12 000 $ par mois, c’est bien au-delà des moyens de la majorité des gens en Ontario. Selon nous, ils n’ont pas réellement le choix ».
À boulets rouges
Hannah Jensen, la porte-parole de la ministre de la Santé Sylvia Jones, a tiré à boulets rouges sur la Coalition ontarienne de la santé en réaction à la nouvelle.
« Une fois de plus, la Coalition ontarienne de la santé, un groupe de plaignards professionnels, démontre qu’elle est déconnectée de la réalité et qu’elle ne comprend absolument pas les mesures que notre gouvernement a prises pour garantir que plus de personnes reçoivent les soins dont elles ont besoin dans un environnement qui leur convient », lit-on dans un courriel envoyé à Radio-Canada.
« Alors que [la Coalition] continue à ne rien accomplir, comme [elle le fait] depuis une décennie, notre gouvernement poursuivra ses efforts pour renforcer les progrès que nous avons réalisés en réduisant les temps d’attente pour les chirurgies essentielles, en élargissant l’accès aux soins à domicile et en construisant un nombre record de nouveaux lits d’hôpitaux et de soins de longue durée ».
Un cas emblématique : 26 000 $ de frais
Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2022, CBC News a recueilli plusieurs témoignages de personnes touchées.
Parmi elles, Michele Campeau, dont la mère âgée s’est vu imposer 26 000 $ de frais après avoir refusé un transfert vers un établissement de soins de longue durée que la famille ne souhaitait pas.
Contactée cette semaine, Campeau n’a pas répondu aux demandes de commentaires. En janvier, elle avait déclaré à CBC News qu’elle refusait de payer ces frais et qu’elle désapprouvait la décision du tribunal.
Des patients, leurs proches et des défenseurs des droits des aînés dénoncent depuis longtemps cette loi, qu’ils jugent « injuste ». Selon eux, elle prive les personnes âgées, souvent en fin de vie, de leur droit de choisir où elles souhaitent vivre.
Cependant, des experts du système de santé ayant témoigné lors du procès estiment que la loi est nécessaire pour libérer des lits d’hôpitaux et améliorer l’accès aux soins.
Un porte-parole du ministère de la Santé de l’Ontario a affirmé à CBC News que cette législation garantit aux patients « les soins dont ils ont besoin, dans un environnement approprié ».
« Elle libère des lits d’hôpitaux, permettant aux patients en attente de chirurgie de recevoir leurs soins plus rapidement. Elle réduit la pression sur les urgences en facilitant les admissions et assure aux patients l’accès aux soins dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin ».
Malgré la décision de ne pas faire appel, Natalie Mehra assure que la Coalition ne renonce pas à sa lutte.
« Nous allons intensifier notre lutte pour que le gouvernement priorise les droits des patients âgés », a-t-elle conclu.
Avec des informations de Jennifer La Grassa de CBC News
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