Un rapport accablant de l’armée sur cinq centres de soins de longue durée en Ontario
Posted: May 27, 2020
(May 26, 2020)
Pascale Brénielm, Radio Canada
Des militaires ont été témoins de situations accablantes dans des foyers de soins ontariens (photo d’archives)
Coquerelles, nourriture avariée, résidents abandonnés sur des matelas à même le sol : le rapport des Forces armées canadiennes sur les cinq centres de soins de longue durée de la région de Toronto où leurs membres ont été déployés en renfort est accablant.
Des militaires signalent avoir observé des aînés abandonnés dans des couches souillées pendant de très longues périodes sans que personne intervienne ou réponde à leur appel à l’aide.
Le rapport dénonce aussi un mépris flagrant
des mesures de prévention et de contrôle des infections, et une culture de peur
entourant l’utilisation de matériel de protection individuelle.
Des militaires citent en exemple des comportements agressifs envers les résidents, l’utilisation de cathéters urinaires souillés et laissés à même le sol, des soins palliatifs inadéquats ainsi qu’un manque criant de personnel et de formation des préposés.
Le premier ministre Doug Ford a déclaré qu’il n’avait jamais rien lu d’aussi troublant. Je suis resté éveillé toute la nuit
, a-t-il raconté en conférence de presse mardi après-midi. Pensez aux familles!
La province a ouvert une enquête et déterminera si des accusations criminelles peuvent être portées.
Je prends l’entière responsabilité du système défectueux dont j’ai hérité. Mais je vais le réparer. Peu importe ce que ça prend.
Il n’exclut pas d’intégrer les centres de soins de longue durée au réseau de la santé, si c’est ce que ça prend
. M. Ford précise que l’aide du fédéral sera requise.
Le premier ministre a toutefois ajouté, en réponse aux questions de journalistes, qu’il ne fallait pas généraliser la situation à l’ensemble des 626 foyers de soins de longue durée.
La chef de l’opposition à Queen’s Park, Andrea Horwath, estime que le premier ministre Ford doit prendre ses responsabilités et demander la démission de sa ministre des Soins de longue durée, Merrilee Fullerton.
La présence de militaires dans les établissements de soins pour personnes âgées en Ontario et au Québec sera prolongée à la demande des gouvernements des deux provinces, a confirmé Justin Trudeau mardi.
Dans l’un des foyers, les préposés ne vérifiaient pas régulièrement les signes vitaux de résidents, selon le rapport. Certains résidents ont été nourris de force ou alors laissés sans nourriture pendant de longues périodes. D’autres n’ont pas été lavés pendant des semaines.
Les cinq centres de soins de longue durée visés par le rapport sont tous situés dans la grande région de Toronto : Orchard Villa, à Pickering, Altamount Care Community, à Scarborough, Eatonville Care Centre, à Etobicoke, Hawthorne Place, à North York, et Holland Christian Homes’ Grace Manor, à Brampton.
Le ministère des Soins de longue durée a lancé des enquêtes dans les cinq centres de soins de longue durée. Le coroner en chef de l’Ontario enquêtera sur un décès survenu au centre Orchard Villa, à Pickering, et dénoncé dans le rapport, a confirmé un porte-parole gouvernemental lors d’une séance d’information technique pour les médias.
Le rapport indique d’ailleurs que le personnel d’Orchard Villa ne redressait pas suffisamment les résidents avant de les nourrir. Un résident en serait mort étouffé.
Le ministère considère qu’il est trop tôt pour établir un lien entre les conclusions du rapport et le fait que quatre des cinq centres de soins de longue durée sont gérés par des sociétés privées. C’est quelque chose qui va être examiné par la commission d’enquête.
Les centres n’étaient pas nécessairement les plus touchés par la COVID, mais ceux qui avaient le plus besoin d’aide pour gérer la crise, selon la province.
Une situation aggravée par la COVID-19
La directrice de l’Association des soins de longue durée a soutenu, dans une déclaration écrite, que les foyers avaient décrit très clairement leur situation à partir du début de la pandémie. Le virus a aggravé des problèmes récurrents, comme le manque de personnel, qui touchent les établissements à des degrés variables
, selon Donna Duncan.
L’Association comprend que l’enquête du gouvernement doit se concentrer sur les améliorations à apporter à long terme au secteur des soins prolongés.
Elle réclame toutefois de l’aide urgente, sous forme d’équipement de protection, de tests de dépistage, de soutien professionnel et de financement pour permettre aux établissements plus anciens de s’adapter aux normes de contrôle des infections.
L’Association, qui regroupe 41 000 préposés aux soins, souligne elle aussi que la COVID-19 a aggravé des situations dans les centres qui étaient difficiles depuis longtemps. L’Association des préposés aux soins de l’Ontario (OPSWA) considère que les conclusions du rapport des Forces armées sont justes et désolantes.
L’Association déplore le manque de leadership et d’équipement de protection individuelle.
La Coalition ontarienne de la santé exprime son impatience par rapport au gouvernement.
Des milliers d’employés et de résidents ont contracté la COVID-19, près de 1500 en sont morts
, note la directrice générale de la Coalition, Natalie Mehra. Pourtant, nous attendons toujours un plan d’intervention coordonné et cohérent dans les centres de soins de longue durée qui sont aux prises avec une éclosion.
La Coalition ontarienne de la santé souligne avoir maintes fois appelé le gouvernement à prendre des mesures pour améliorer le contrôle des infections, faire face à la pénurie de personnel et intervenir lorsque la direction d’un foyer de soins montre des signes d’incompétence ou de négligence.
Selon la Coalition, la ministre des Soins de longue durée devrait, comme la loi l’y autorise, retirer les permis d’exploitation des établissements qui ne parviennent pas à maîtriser les éclosions parce que les mesures sont inadéquates ou parce qu’il y a négligence.
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